L’avenir du cinéma français : trois chantiers de réforme

L’avenir du cinéma français : trois chantiers de réforme

Lors des Rencontres cinématographiques de Dijon, le 13 octobre dernier, Françoise Nyssen a évoqué l’avenir du cinéma en France et les défis qu’il lui faudra relever dans un contexte qui connaît, notamment avec la mondialisation et l’expansion du numérique, de profondes mutations.

« L’ouverture au monde, est l’ADN du modèle culturel français » et c’est sous le signe de cette ouverture, a précisé encore Françoise Nyssen, que doivent se comprendre tous les défis que notre cinéma doit relever aujourd’hui : « Une ouverture pensée, toujours, pour être synonyme de diversité – c’est le principe de l’exception culturelle. Le cinéma en offre le meilleur modèle : près d’un tiers des 700 films qui sortent en salle en France chaque année ne sont ni français, ni américains. »

Un indispensable effort d’innovation.

Le secteur connaît de profondes transformations. Le numérique et la mondialisation bouleversent les schémas traditionnels de financement et de diffusion des œuvres. Il revient à l’Etat d’adapter ses solutions à ce nouveau contexte. Depuis l’entrée en vigueur des taxes dites « Netflix » et « Youtube », le 20 septembre dernier, l’ensemble des plateformes de vidéo en ligne – qu’elles soient payantes ou gratuites, qu’elles soient établies en France ou à l’étranger – vont contribuer au financement de notre cinéma.

L’État a su également répondre au risque croissant de délocalisation des tournages en relevant considérablement les crédits d’impôt en 2016 : près de 500 millions d’euros supplémentaires ont été investis dans les tournages en France entre 2015 et 2016.Parallèlement, Françoise Nyssen va lancer trois nouveaux chantiers de réforme : la révision de la chronologie des médias, la lutte contre le piratage, et la réforme de la régulation audiovisuelle.

  • S’agissant de la chronologie des médias, la ministre annonçait le 19 septembre qu’un médiateur serait désigné pour mener la concertation avec les professionnels en bénéficiant de l’appui du CNC : il s’agit de Dominique d’HINNIN, ancien inspecteur des finances et ancien dirigeant du groupe Lagardère. Il aura au maximum six mois pour trouver un nouvel accord. Faute de quoi, le Gouvernement proposera une solution législative ou réglementaire.

    Selon Françoise Nyssen, « La modernisation de la chronologie des médias est rendue nécessaire par l’évolution des usages. Elle doit également favoriser l’investissement dans la création cinématographique, en privilégiant les diffuseurs qui prennent des risques et financent la production des films français et européens. »

  • La lutte contre le piratage a déjà donné lieu à la signature – il y a quelques semaines – d’un accord entre le CNC, l’Association de Lutte contre la Piraterie Audiovisuelle et Google, accord qui va assurer une meilleure collaboration entre le propriétaire de Youtube et les ayants droit. Par ailleurs, la Hadopi a confié une mission d’étude juridique sur les évolutions possibles de la riposte graduée aux piratages. Il faut aller plus loin : aujourd’hui le streaming illégal constitue l’essentiel du piratage, hors, il n’est pas couvert par la riposte graduée. Il convient aussi de faire œuvre de pédagogie, d’éduquer les jeunes publics et de promouvoir l’offre légale.
  • La modernisation de la réglementation audiovisuelle : celle-ci date pour l’essentiel des années 80, c’est-à-dire d’avant Internet, quand les modes de diffusion étaient exclusivement hertziens et linéaires. C’est un vaste chantier, qui va de la réglementation sur la publicité télévisée aux compétences du CSA. Il faudra pour l’entreprendre travailler de concert, ministère, professionnels et parlementaires.

Un combat européen.

C’est désormais à l’échelle européenne que s’assure la défense de l’exception culturelle, dans les accords de libre-échange. C’est à cette échelle que doit s’effectuer la régulation des géants numériques, à travers la fiscalité mais aussi la responsabilisation dans le financement et dans la promotion de la création.
Lors de la révision récente de la directive « SMA » (« services de médias audiovisuels »), la France et ses partenaires européens ont pu déjà obtenir des avancées considérables :  désormais, les chaines de télévision et les plateformes de vidéo à la demande seront soumises aux obligations françaises de financement de la création, quel que soit leur pays d’établissement. Par ailleurs, les plateformes de vidéo en ligne devront respecter un quota minimum de 30% d’œuvres européennes dans leur catalogue d’offre.
Concernant la protection du droit d’auteur, la révision d’une directive est en cours de négociation. La France vise un triple objectif. Défendre le principe de territorialité des droits, qui est au cœur du financement du cinéma et de la création audiovisuelle. Consacrer un droit à une juste rémunération des auteurs. Mettre en place un meilleur partage de la valeur entre les plateformes numériques et les ayants droit.