Le Monde : Apprendre à faire du cinéma plus « écolo »

Article du monde publié le 17 mars 2021

Recyclage des décors, tournages moins énergivores… Apprendre à faire du cinéma plus « écolo »

 

Des bruits de visseuse et de marteau s’élèvent du fond du vaste entrepôt – une ancienne imprimerie de 300 m2 située à Bagnolet (Seine-Saint-Denis). Dans l’entrée, un énorme fût en aluminium monte la garde. En jean et veste en cuir noir, Elina Kastler, étudiante à l’Ecole supérieure d’art de Tourcoing, s’aventure sans ciller dans ce bric-à-brac, entre les faux murs en béton, les blocs de fenêtres, les estrades et les gueuses de parpaings.

« Qu’est-ce qui t’amène ? » lui lance une voix chaleureuse, cachée derrière une pile de rouleaux de moquette encore emballés. « Je travaille sur un projet de court-métrage, et je recherche un mur extérieur pour créer un effet de vis-à-vis dans un appartement, répond la jeune femme de 24 ans. J’ai aussi besoin de feuilles de décor bleues pour reconstituer une salle de bains dans le style années 1980. »

Ce n’est pas le choix qui manque à la Ressourcerie du cinéma, inaugurée en décembre 2020. « On a ouvert ce lieu pour que les décors de films, souvent tout neufs, puissent trouver une seconde vie plutôt que de partir à la benne, explique Jean-Roch Bonnin, l’un des trois cofondateurs. Jusque dans les années 1980, tous les professionnels du cinéma avaient l’habitude de conserver et de réutiliser. Mais avec la chute du prix des matériaux et la hausse des prix de stockage, cette pratique s’est perdue. » Au prix d’un gâchis monumental.

15 tonnes de déchets par tournage

Le constat est sans appel. Un long-métrage produit en moyenne 15 tonnes de déchets de décor et de mobilier. Ajoutez-y tous les déplacements des équipes de tournage, la restauration ou le streaming vidéo, et vous aurez une idée de l’impact que peut avoir un film sur la planète. Ainsi, d’après une étude publiée en novembre 2020 par le collectif Ecoprod avec le cabinet Workflowers, le secteur audiovisuel en France émet 1 705 560 tonneséquivalent COen une année, soit environ 700 000 vols Paris-New York aller-retour.

La Conférence de Paris sur le climat et le succès du film Demain, de Cyril Dion et Mélanie Laurent, en 2015, ont toutefois provoqué une vraie prise de conscience dans ce secteur. « Bien sûr, vous trouverez toujours des gens prêts à prendre l’avion pour une journée de tournage en Australie… Mais les lignes bougent, constate Joanna Gallardo, responsable des relations institutionnelles à Film Paris Region, membre d’Ecoprod. Les professionnels commencent à se rendre compte que les ressources se raréfient et que si on ne les gère pas mieux, on n’y aura bientôt plus accès. »

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